Quelques éléments de psychopathologie 👇
De nombreux infanticides sont liés à la structure psychotique de certaines mères psychiquement inadaptées et arrivent généralement avant la première année de l'enfant.Un épisode psychotique bref du post-partum peut traduire le déclenchement soudain d'un trouble psychotique véritablement inaugural, généralement chez une femme primipare, et dont la cause serait l'arrivée même de l'enfant.
Certains signes cliniques non spécifiques, encore appelés "phénomènes élémentaires" peuvent notamment signer l'influence d'un état dit "pré-psychose". Qu'il s'agisse de troubles de la perception, d'illusions transitoires de la mémoire, de postulats passionnels ou d'hallucinations fugaces, voire de discordances idéo-affectives discrètes, ils sont généralement insuffisants, initialement, pour porter le diagnostique de "psychose". Pour qualifier ces états, il était auparavant parfois employé le terme de "psychoses hors déclenchement" ou de "psychoses blanches".
Dans ce cadre, il semble que le facteur déclenchant la décompensation d'une psychose puerpérale s'avère davantage être l'arrivée du nouveau-né, plutôt que la grossesse, ou l'accouchement lui-même.
Pour comprendre la logique de ce fait, il est profitable de se pencher sur le concept théorique "d'objet a" élaboré par le psychanalyste J. Lacan et dont il reconnut l'invention dès 1966."L'objet a", aussi appelé "objet cause du désir", s'inspire de la notion "d'objet transitionnel" de D. W. Winnicott. Pour Winnicott, l'objet transitionnel possède deux dimensions : une face "pulsionnelle" (dont témoigne par exemple la pratique du suçotement de l'enfant) et une face "fantasmatique", sur laquelle Lacan fonde une partie de son concept.La particularité de l'objet transitionnel - et ceci est très important - est de n'être ni à la mère, ni à l'enfant, mais aux deux à la fois.
Dans la psychose, compte tenu de la défaillance d'une fonction primordiale bien décrite en psychopathologie clinique, la séparation symbolique normale n'opère pas et la désunion s'avère non symbolisable. En effet. cette fonction primordiale est censée dresser un obstacle symbolique dans la réunion déterminant le rapport fusionnel mère- enfant. Les conséquences en sont une non-séparation. une non-extraction de "l'objet a", lequel tend alors à se présentifier à la mère ici en la figure de l'enfant.Dès lors, l'enfant réifié peut venir littéralement "envahir" la néo-réalité de la mère psychotique. Dépassée par cette figure débordante, la mère peut exprimer le sentiment d'une forme d'étrangeté terriblement déstabilisante, d'une impression d'influence, ou encore de l'émergence d'une angoisse massive et insupportable. Dans le même temps, une ébauche d'élaboration délirante peut commencer à se mettre en place. La mère mobilise alors ses ressources internes dans une tentative d'explication et de rationalisation propre à justifier ce qui lui arrive. Telle femme se demandera si cet enfant est le sien, s'il n'a pas été échangé, voire si sa grossesse n'était pas simulée ou le fruit de quelque expérimentation. Une autre verra en son enfant un monstre difforme, tandis qu'une dernière y discernera l'incarnation enivrante d'un enfant divin.
Or, lorsque la construction délirante - qui est une tentative de tempérer cet envahissement psychique, la patiente peut avoir recours à des passages à l'acte salvateurs. Ainsi, cherchant à essayer de faire advenir la division symbolique dans la réalité, la patiente peut avoir recours à des tentatives de soustractions réelles de l'objet : automutilation, suicide, infanticide.Devant l'irruption brutale de l'objet-enfant psychiquement désagrégeant, le meurtre peut effectivement incarner la seule solution comme tentative de faire advenir une séparation décisive.
Dans cette relation spéculaire sujet-objet ou mère-bébé, l'enfant peut incarner non pas uniquement une image, mais aussi la figure d'une véritable extension du corps de la mère non-symbolisée (c'est à dire réelle). Dès lors, devenue incapable de se séparer physiquement et définitivement de la dépouille du nouveau-né assassiné, à l'image de ce que serait une mutilation insoutenable, les corps peuvent être ainsi préservés et parfois retrouvés congelés ou momifiés.
La manifestation de ces troubles témoigne de l'émergence d'une souffrance insoutenable chez ces mères et nécessite toujours la mise en place d'un soutien rapide et adapté.